Wilhelm Reich, le prophète maudit de l’orgone
Soixante-cinq ans après sa mort, Wilhelm Reich reste sans doute la figure la plus fascinante de l'histoire de la psychanalyse. Brillant disciple de Freud, militant communiste, Inventeur du concept de «révolution sexuelle», précurseur des mouvements libertaires des années 60, il devait passer la seconde moitié de sa vie à explorer une étrange énergie universelle qu’il avait découverte et que la science ne reconnaît toujours pas.
Le 5 juin 1956, deux véhicules s’arrêtent devant un petit bâtiment en pierre noire de deux étages, à Rangeley, dans le Nord-Ouest des Etats-Unis. Quatre hommes en descendent. Ce sont des agents de la Food and Drugs Administration (FDA). Leur mission ce matin-là est de s’assurer que tous les « accumulateurs d’orgone » encore existants soient bel et bien détruits, conformément à la décision d’un juge. Non par eux-mêmes – ils n’en ont pas le droit – mais par les propres chercheurs de l’Orgone Research Laboratory, ceux-là même qui utilisent et étudient depuis plusieurs années les étranges propriétés de ces caissons. Ce sont ces chercheurs qui seront contraint de démolir leurs appareils à coups de hache, sous le regard des fonctionnaires.
Deux mois plus tards, le 23 août, un camion s’arrête devant l’incinérateur de Gansevoort, à New York. Lest trois hommes qui en descendent sont des collaborateurs de l’Orgone Press Institute. Des agents de la FDA les y attendent. Toute la journée, ils vont les regarder décharger carton après carton de livres, journaux et documents, pour les jeter dans la fournaise de l’incinérateur. Pas moins de six tonnes de littérature scientifique partiront en fumée ce jour-là. L’auteur se nomme Wilhelm Reich.
Dobzau, Autriche-Hongrie
Wilhelm Reich nait le 24 mars 1897 à Dobzau, dans ce qui était alors l’Empire austro-hongrois, aujourd’hui l’Ukraine, dans une famille juive aisée.
Avec son frère Robert, il est scolarisé à domicile. A douze ans, en suivant sa mère la nuit, il découvre qu’elle couche avec leur tuteur. Profondément troublé, et après bien des hésitations, il finit par le rapporter à son père. Celui-ci, fou de jalousie, se met à battre son épouse, qui finira par se suicider.
La tuberculose emporte son père quatre ans plus tard, et en 1915 la Russie envahit la région. Les frères Reich s’enfuient, abandonnant toutes leurs possessions sans espoir de retour, et s’engagent dans l’armée austro-hongroise, ou Wilhelm finira lieutenant. Après l’armistice, il s’inscrit à l’Université de Vienne, en droit d’abord, puis en médecine. Partageant une chambre sans chauffage avec son frère et un autre étudiant, ils survivent de soupe d’avoine et de fruits secs.
Freud, le mentor
C’est en 1919 que Reich rencontre celui qui deviendra son mentor : Sigmund Freud. Freud est une sommité académique extrêmement influente de 63 ans, Reich en a juste 22, mais la forte impression que se font les deux hommes est mutuelle. Freud autorise Reich à traiter certains de ses patients, et fait en sorte qu’il soit titularisé par la Société psychanalytique de Vienne.
Bien que Freud ait interdit aux analystes de s’impliquer avec leurs patients, en ce qui concerne Reich l’avertissement restera toujours lettre morte. Il séduit sa première patiente, une jeune fille de 19 ans qui décédera après avoir dormi dans la chambre glaciale qu’elle avait louée comme lieu de rencontre pour elle et Reich. Deux mois plus tard, on le voit avec l’amie de celle-ci, qu’il suit également comme patiente et qu’il épousera sous les menaces de son père. De ce premier mariage naîtront deux filles, Eva et Lore.
Cuirasse caractérielle
Son diplôme de médecin en poche, Reich rejoint en tant que directeur adjoint la toute nouvelle clinique psychanalytique de Freud, l’Ambulatorium, qui offre aux Viennois ruinés par la guerre des psychanalyses gratuites dans un objectif de justice sociale.
En analysant des ouvriers, des paysans et des étudiants, souvent anciens soldats ayant connu l’horreur des tranchées, Reich se forge la conviction que les symptômes névrotiques, tels que les troubles obsessionnels compulsifs, ne sont qu’une tentative inconsciente de prendre le contrôle d’un environnement hostile, souvent marqué par la pauvreté et la maltraitance infantile. C’est ce qu’il nomme la « cuirasse de caractère », qui elle-même s’incarne dans la « cuirasse musculaire », soit tous les comportements répétitifs, les postures, les attitudes physiques que l’individu oppose aux autres et a lui-même pour masquer ses faiblesses.[1]
Reich publie son premier ouvrage en 1924, une étude des personnalités antisociales rencontrées à l’Ambulatorium, concluant à la nécessité d’une théorie systématique du caractère. Celui-ci lui vaut une large reconnaissance professionnelle, y compris de Freud, qui assure sa nomination au comité exécutif de la Société psychanalytique.
« Prophète de l’orgasme »
Peu après, Reich publie une série d’articles autour de ce qu’il nomme la « puissance orgastique », la capacité de libérer ses émotions et de se perdre dans un orgasme décomplexé. Réduisant la sexualité à la physiologie de l’orgasme, Reich affirme que la santé psychique et la capacité d’aimer en dépendent : « Ce n’est pas seulement baiser… ce n’est pas l’étreinte en soi, ni le rapport sexuel. C’est la profonde expérience émotionnelle de la perte de l’ego, de tout son moi spirituel. »
Mais alors que ses travaux sur le caractère sont bien accueillis par la communauté psychanalytique, ceux consacrés à la puissance orgastique provoquent des froncements de sourcils. On commence à se moquer de Reich, « prophète de l’orgasme », apôtre de l’« utopie génitale ».
Son frère est emporté par la tuberculose en 1926. Reich lui-même la contracte peu après, et passe plusieurs semaines dans un sanatorium à Davos, ou il traverse une première crise existentielle, mais se rétablit. Quelques mois plus tard, Annie et lui sont dans les rues de Vienne pendant la Révolte de juillet 1927, lorsque 84 ouvriers sont abattus et 600 autres blessés par la police. L’expérience bouleverse Reich, ébranle toutes ses certitudes. Révolté, il décide de rejoindre le Parti communiste.
Lutte ouvrière
En réaction au massacre dont il a été témoin, Reich, pour ses 30 ans, décide d’ouvrir six centres de consultations gratuites pour les patients de la classe ouvrière. Chaque centre est supervisé par un médecin, compte trois obstétriciens et un avocat, et offre ce que Reich nomme la consultation Sex-Pol : un mélange de conseils psychanalytiques, de théorie marxiste et de moyens contraceptifs. Reich et les autres jeunes praticiens viennois de sa génération considèrent la psychanalyse comme une mission sociale plus que comme une discipline médicale. Leur objectif : « s’attaquer aux névroses par la prévention plutôt que par le traitement. » Le succès est immédiat.
En 1929, Reich et son épouse visitent l’Union soviétique a l’occasion d’une tournée de conférences. Il en revient encore plus convaincu du lien intime entre oppression sexuelle et économique, et de la nécessité d’unifier les théories de Marx et de Freud.
L’année suivante, Reich et sa femme déménagent à Berlin. Homme d’action avant tout, Reich implante des cliniques Sex-Pol dans les quartiers populaires, milite au Parti communiste allemand, et fonde sa propre maison d’édition, Verlag für Sexualpolitik. En quelques années, il y publie des titres clés comme La lutte sexuelle de la jeunesse (1932), La psychologie de masse du fascisme (1933), ou La révolution sexuelle (1934).
Seul contre tous
Le mariage de Reich (qui ne renoncera jamais aux liaisons extra-conjugales) finit par éclater lorsqu’il tombe sérieusement amoureux de la danseuse Elsa Lindenberg. Quand Hitler arrive au pouvoir, Reich et Lindenberg jugent plus prudent de s’exiler au Danemark. Sa réputation le précède : le parti communiste danois ne veut pas de lui, notamment en raison de sa lutte pour la liberté sexuelle des jeunes. Son engagement en faveur de l’avortement, puis la tentative de suicide d’une de ses jeunes patientes, scellent son sort : à l’expiration de son visa, celui-ci n’est pas renouvelé.
Reich et Lindenberg débarquent à Malmö en Suède, mais sont placé sous surveillance lorsque la police soupçonne que les visites de patients dans sa chambre d’hôtel cachent une activité de proxénétisme, avec Elsa comme prostituée. Là encore, Reich se voit refuser son titre de séjour et doit retourner discrètement au Danemark, sous un nom d’emprunt.
Reich opère désormais en dehors de toutes les limites habituelles de la psychanalyse. Assis face au patient plutôt que derrière lui, il répond sans détours a toute ses questions et essaie de communiquer directement avec son corps par le toucher, en appuyant fortement (voire douloureusement) de son pouce ou de la paume de sa main sur la mâchoire, le cou, la poitrine, le dos ou les cuisses du patient, dans le but de détendre la cuirasse musculaire, et donc caractérologique.
Reich présente les principes de sa méthode, qu’il nomme végétothérapie caractérielle, au 13e Congrès international de psychanalyse à Lucerne. C’en est trop pour l’Association psychanalytique internationale, qui l’exclut, comme le parti communiste un an plus tôt. Reich est désormais seul contre tous.
De la bioélectricité aux bions
Reich et Lindenberg s’installent en Norvège, où il est invité par l’Université d’Oslo. Ils vont y rester cinq ans. Reich, en tant que médecin, cherche à fonder sa théorie de l’orgasme sur la biologie : il veut démontrer que la métaphore freudienne de la libido serait en réalité de l’électricité, ou une substance chimique, et que l’orgasme ne serait qu’une « décharge bioélectrique ». Pour ce faire, il fixe un oscillographe à des volontaires qui doivent se toucher et s’embrasser pendant que Reich lit les tracés. Il mesure également ceux des patients d’un hôpital psychiatrique près d’Oslo, y compris de patients catatoniques.
C’est en poursuivant ces recherches bioélectriques que Reich fait la découverte qui va orienter la deuxième partie de sa vie. Celle des « bions » : des microscopiques « vésicules d’énergie » bleues, à mi-chemin entre le vivant et le minéral, qu’il aurait isolés et qui évolueraient soit en bactéries et protozoaires, soit en « bacilles T » pour Tod (la mort), lesquels seraient notamment à l’origine des cancers.
Les théories de Reich sont accueillies avec un agacement croissant par la communauté scientifique norvégienne. Un pathologiste a qui Reich montre une de ses préparations de bions est formel : il s’agit de staphylocoques ordinaires, de simples bactéries transportées par l’air. Reich est tourné en ridicule dans la presse. Entre mars et décembre 1938, plus de 165 articles et lettres parus dans treize journaux dénoncent son travail comme étant de la pseudoscience. Reich, mortifié, se contente de demander la mise en place d’une commission pour reproduire ses expériences sur les bions (ce qui ne sera jamais fait), mais cette campagne le marque profondément. Humilié, mortifié, il s’isole et se retire de la vie publique.
Le chemin de l’exil
Quand Elsa tombe enceinte, il insiste pour qu’elle se fasse avorter. Alors même qu’il enchaîne les liaisons, il développe une intense jalousie et ne tolère pas qu’elle puisse avoir sa propre vie, allant jusqu’à agresser physiquement un compositeur avec lequel elle travaillait. Quand l’Allemagne annexe l’Autriche, en mars 1938, et que deux anciens élevés de Reich lui proposent de l’aider à émigrer aux États-Unis, lui obtiennent une invitation de la New School of Social Research de New York et un visa, Elsa Lindenberg refuse de l’accompagner.
Reich quitte in extremis la Norvège en aout 1939, à bord du dernier navire a à appareiller pour les Etats-Unis. Il enseigne à la New School, tout en menant à son domicile des expériences sur des souris atteintes de cancer, auxquelles il injecte des bions. En octobre, sa secrétaire le présente à Ilse Ollendorf, 29 ans. Celle-ci devient successivement sa comptable, son assistante, puis sa compagne. Cinq ans plus tard naît un fils, Peter.
L’orgone, énergie vitale cosmique
Peu de temps après son arrivée à New York, Reich mentionne pour la première fois l’énergie biologico-cosmique qu’il a découverte en étudiant les bions. Il la nomme « énergie d’orgone » ou « rayonnement d’orgone », et son étude « orgonomie ». L’orgone est pour Reich l’énergie vitale universelle, et sa couleur est bleue, ou bleue-grise. Le bleu du ciel ou les aurores boréales sont des manifestations visibles de l’orgone.
Reich commence à faire construire des « accumulateurs d’orgone », des cages de Faraday[1] modifiées, faites de plusieurs couches successives de laine de roche et de tôle de fer, qui auraient pour effet de concentrer l’énergie d’orgone. Après des tests jugés concluants sur des plantes et des souris, Reich en fait construire un premier prototype à taille humaine. Bien qu’il ne soit pas autorisé à pratiquer la médecine aux États-Unis, Reich ne se prive pas de tester son caisson sur des malades du cancer ou des schizophrènes. Il en est certain, l’orgone est « définitivement capable de détruire la croissance cancéreuse » écrit-il, estimant avoir développé une grande théorie unifiée de la santé physique et mentale.
Reich et Einstein
En décembre 1940, Reich écrit à Albert Einstein, et lui rend visite chez lui, à Princeton, ou les deux chercheurs s’entretiennent pendant près de cinq heures. Reich explique avoir découvert « une énergie qui se comporte différemment de tout ce que l’on sait sur l’énergie électromagnétique ». Einstein reconnaît que si Reich parvenait à élever la température d’un objet sans source de chaleur apparente, « ce serait bel et bien une bombe ! »
Reich ressort de l’entrevue gonflé à bloc. Il se voit déjà invité à rejoindre l’ultra-prestigieux Institute for Advanced Study de Princeton. Lors de leur rendez-vous suivant, il apporte à Einstein un petit accumulateur. Dix jours durant, Einstein effectue des expériences avec celui-ci dans son sous-sol, mesurant et comparant les températures au-dessus, à l’intérieur et à proximité de l’appareil. Dans un premier temps, il constate bel et bien une augmentation de la température, causée par l’orgone selon Reich. Jusqu’à ce qu’un assistant fasse observer que la température d’une pièce est toujours plus basse au sol qu’au plafond… Einstein en conclut que l’effet est simplement dû au gradient de température à l’intérieur de la pièce. « Suite à ces expériences, je considère la question comme complètement résolue », écrit-il à Reich.
Celui-ci y répond par une lettre de 25 pages, dans laquelle il tente de faire changer d’avis Einstein. Qui n’y répondra pas, pas plus qu’aux suivantes. Dépité, Reich commence à se considérer victime d’une vaste conspiration. Celle-ci semble se confirmer lorsqu’il perd son poste à la New School, après qu’il eut confié à son directeur qu’il avait sauvé plusieurs vies lors d’expériences secrètes avec l’accumulateur. Puis quand il se fait expulser de son appartement, suite à la plainte de ses voisins dérangés par ses expérimentations animales. Et enfin le 12 décembre 1941, un jour après que l’Allemagne ait déclaré la guerre aux États-Unis, quand Reich est arrêté, à son domicile, à 2 heures du matin, par le FBI, et détenu pendant plus de trois semaines. Après avoir menacé d’entamer une grève de la faim, il est libéré, mais son nom reste inscrit sur les listes de l’Enemy Alien Control Unit. Il est désormais sous surveillance.
Orgonon
En quête de paix, Reich achète une terrain dans le Maine, et y fait construire un observatoire-laboratoire qu’il baptise Orgonon (celui-ci abrite aujourd’hui le Wilhelm Reich Museum). Il commence par y passer ses étés, puis décide d’y vivre à l’année et quitte New York avec Ilse, leur fils Peter et Eva, la fille de Reich. L’idée étant de créer un centre pour l’étude de l’orgone, plusieurs médecins, psychiatres et artistes l’y rejoignent.
Mais en 1947, suite à un article très critique dans Harper’s Bazaar, la Food and Drug Administration (FDA) commence à s’intéresser de plus près à « l’étrange cas du Dr Reich » (titre de l’article). Quand les enquêteurs découvrent que celui-ci a déjà fait construire et commercialisé plus de 250 accumulateurs[1], la FDA en conclut qu’il s’agit bien d’une « fraude de grande ampleur ». Reich l’ignore encore, mais ses jours sont comptés.
Pour ne rien arranger, Reich vient de fonder le Centre de recherche orgonomique sur l’enfant (OIRC). Les jeunes patients doivent se tenir nus devant son équipe, pendant qu’il énumère leurs « blocages » et qu’il entreprend de desserrer leur « carcan musculaire » en appuyant douloureusement sur leurs membres.[2] Apres qu’une mère se soit plaint aux autorités qu’un thérapeute de l’OIRC avait appris à son fils de cinq ans à se masturber, Reich a toutefois la présence d’esprit de fermer l’OIRC.
Canon a nuages
En 1951, Reich déclare avoir découvert une autre forme d’énergie, le rayonnement orgonal mortel, dont l’accumulation jouerait un rôle dans la désertification. Il met au point le « cloudbuster »[1], une batterie de tuyaux en aluminium de 5 mètres de long, pointés vers le ciel, montés sur une plate-forme mobile comme un canon de DCA et reliés à des câbles plongés dans l’eau. Reich maintient que son « canon à nuages » peut débloquer l’énergie de l’orgone dans l’atmosphère et provoquer la pluie.
Reich mène des dizaines d’expériences avec le cloudbuster, sous le terme de « Cosmic Orgone Engineering ». Lors d’une sécheresse en 1953, deux agriculteurs du Maine proposent de le payer s’il parvient à faire pleuvoir et à sauver leur récolte. Reich utilise le cloudbuster le matin du 6 juillet et, selon le journal local – basé sur le récit d’un témoin oculaire anonyme, probablement Peter, le propre fils de Reich – la pluie aurait commencé à tomber dans la soirée. La récolte aurait survécu, les agriculteurs se seraient déclarés satisfaits et Reich aurait reçu son payement.
Guerre aux ovnis
La FDA continue toutefois à s’intéresser de près aux accumulateurs d’orgone. Quand trois inspecteurs se présentent à l’improviste à Orgonon, Reich leur dit sèchement de commencer par lire son travail et leur ordonne de quitter les lieux. Mal lui en prend. Deux ans plus tard, le procureur du Maine dépose une plainte de 27 pages, demandant une injonction permanente interdisant l’expédition interétatique d’accumulateurs d’orgone ainsi que de leur littérature promotionnelle. Reich refuse de comparaître, arguant qu’aucun tribunal n’est en mesure d’évaluer son travail. L’injonction est accordée par contumace le 19 mars 1954.
Cette condamnation déclenche apparemment chez Reich une nouvelle détérioration de sa santé mentale. Proscrit, traqué, rejeté de tous, il en en vient à croire que la planète est attaquée par des ovnis, qu’il voit souvent passer au-dessus d’Orgonon, laissant derrière eux des sillages d’orgone mortel. Avec son fils Peter, il passe ses nuits à scruter le ciel pour y repérer des ovnis ; puis sitôt qu’ils croient en avoir trouvé un, ils pointent le cloudbuster dans sa direction pour en aspirer l’énergie. Reich affirme qu’il aurait abattu ainsi plusieurs ovnis.
Le dernier acte
Le piège se referme sur Reich en 1956. Alors qu’il est en Arizona, un de ses collaborateurs envoie par la poste une pièce d’accumulateur, dans un autre État, en violation de l’injonction, a un inspecteur de la FDA qui s’était fait passer pour un client. Reich refuse encore une fois de se présenter devant le tribunal et est arrêté, condamné a deux ans d’emprisonnement, sa fondation a 10’000 dollars d’amende. Le juge prononce en outre la destruction de tous les accumulateurs, ainsi que de toute la littérature associée.
Reich fait recours contre le jugement à son encontre, mais la Cour d’appel le confirme. Il écrit à plusieurs reprises au directeur du FBI, J. Edgar Hoover, lui demandant un entretien, va jusqu’à la Cour suprême, qui décide de ne pas réexaminer l’affaire. Il demande une grâce présidentielle, en vain. Le 12 mars 1957, Reich et son associe le Dr Michael Silvert sont envoyés au pénitencier fédéral de Lewisburg (Silvert s’y suicidera l’année suivante). Le psychiatre qui examine Reich lors son admission diagnostique « une paranoïa se manifestant par des délires de grandeur et de persécution… le patient a la conviction d’avoir fait des découvertes exceptionnelles et a élaboré une pensée psychotique (“les Rockfeller sont contre moi”) pour expliquer le rejet de ses idées. »
Le 3 novembre 1957 à l’aube, Reich ne répond pas à l’appel. Les gardiens entrent dans sa cellule et le retrouvent mort, allongé sur son lit, entièrement habillé a l’exception de ses chaussures. Le médecin conclut à une « insuffisance cardiaque brutale ». Reich est enterré dans un caveau à Orgonon, sans cérémonie religieuse. Aucune revue académique ne publiera la moindre nécrologie.
- Wihelm Reich Museum : wilhelmreichmuseum.org
- Journal of psychiatric orgone therapy : www.psychorgone.com
- College of Orgonomy: www.orgonomy.org
- Orgone Biophysical Research Lab: www.orgonelab.org
Recommended: an excellent article on Reich’s life and work, in English
The Scientific Assassination of a Sexual Revolutionary: How America Interrupted Wilhelm Reich’s Orgasmic Utopia
[1] Le titre “Cloudbusting”de Kate Bush (1985) est inspiré de l’œuvre de Reich, ainsi que sa vidéo avec Donald Sutherland dans le rôle de Reich et Kate Bush dans celui de son fils Peter.
[1] De nombreuses personnalités ont utilisé des accumulateurs d’orgone, notamment Sean Connery, Allen Ginsberg, Paul Goodman, Jack Kerouac, JD Salinger ou Norman Mailer, qui les collectionnait.
[2] Plusieurs enfants déclareront plus tard avoir été abusés par les thérapeutes de l’OIRC, mais jamais par Reich.
[1] Une cage de Faraday est une structure métallique qui bloque les champs électriques ou électromagnétiques.
[1] Les intuitions de Reich seront à l’ origine de nombreuses pratiques et concepts ultérieurs, comme la psychothérapie corporelle, la Gestalt-thérapie, l’analyse bioénergétique ou la thérapie primale.