Culture et santé mentale : sortir de la crise
Depuis deux ans, la crise pandémique a fait ressortir douloureusement les effets du manque d’événements artistiques et culturels. Il est plus nécessaire que jamais de rappeler l’importance essentielle des arts et de la culture en termes de santé mentale, de lien social, d’économie et d’identité culturelle.
[Article réalisé en janvier 2022 pour le dossier de présentation d’un projet multimédia autour des arts, de la créativité et de la culture dans une approche de santé mentale}
Le pouvoir thérapeutique de l’art et de la culture est connu depuis la nuit des temps. Il y a 2500 ans, Platon prescrivait déjà la musique pour traiter les vices et purifier l’âme 700 ans plus tard, le médecin romain Claudius Galenus observait que la musique « refroidissait les humeurs internes ». A la Renaissance, le peintre Giovanni Battista Armenini évoquait le pouvoir curatif de la peinture, citant l’exemple de la gaieté des « grotesques » des Loges de Raphaël au Vatican, capables selon lui de traiter la mélancolie. En Asie, en Inde, en Afrique, on utilise traditionnellement et depuis toujours les arts dans un but thérapeutique.
En Occident pourtant, il aura fallu attendre l’éclosion de l’art thérapie, au début du XXe siècle, pour que l’influence positive des arts et de la culture sur la santé des personnes comme des communautés soit véritablement reconnue et documentée.
Et pourtant : bien que l’art et la culture fassent partie des déterminants significatifs de la santé mentale, cela ne se traduit pas toujours au niveau politique par des investissements ou des choix de société. Un manque de reconnaissance dû parfois au fait que ce vaste champ d’activités et de recherches implique beaucoup de données qualitatives, là où la recherche médicale, elle, privilégie le quantitatif.
Un corps sain… mais l’esprit ?
Il est aujourd’hui acquis que la pratique d’un sport, d’une activité physique régulière, est un facteur extrêmement bénéfique pour la santé. C’est même un lieu commun. Mais peut-être serait-il temps de considérer que la pratique d’une forme d’art, ou la fréquentation de lieux de culture, de création et d’échange, ont un impact tout aussi important sur notre santé mentale, et par conséquent aussi, en fin de compte, sur notre état physique.
Peut-être serait-il souhaitable que l’on consacre autant d’efforts à la mise en valeur de la création artistique, dans une perspective d’équilibre psychologique, qu’on en consacre à la l’activité physique : si le sport est important pour le corps, les arts et la culture sont bons pour l’âme et le cœur. Les deux sont complémentaires. Et cette promotion doit passer par l’accès de tous à l’offre culturelle ainsi qu’aux outils de création, par l’éducation et par la formation.
On recherche : sentiment de cohérence
Avec la crise provoquée par la gestion de la pandémie depuis deux ans, la part de la population atteinte de troubles anxieux a doublé. Le traitement médiatique a aggravé les souffrances psychologiques, amplifié la peur, la tristesse, la solitude, la perte de perdre son emploi, etc. La distanciation sociale a réduit les contacts, miné le collectif et le sentiment d’appartenance, provoqué un délabrement psychologique durable chez les plus fragiles.
Une enquête canadienne[1], menée au printemps 2020 dans huit pays, a démontré que le facteur qui influence le plus la santé mentale en temps de crise est le sentiment de cohérence – ou l’absence de celui-ci. Selon le professeure Mélissa Généreux, de la Faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke au Québec, « notre grande découverte, c’est le rôle clé que joue ce sentiment de cohérence, c’est-à-dire notre capacité comme individu à comprendre et à donner du sens à ce qui se passe dans une situation où l’on fait face à l’adversité. » Or les activités artistiques et culturelles « sont l’un des quatre grands domaines d’intervention sur lesquels on peut agir pour retrouver et renforcer ce sentiment de cohérence » dans un monde post-pandémique. [2]
La perte d’accès à de nombreux facteurs qui influencent positivement notre santé a mis en lumière leur importance pour notre bien-être, notamment psychologique. Il est plus que temps, non seulement d’autoriser à nouveau, mais de favoriser les occasions de rassemblement, d’échange, de création et de communion.
[1] https://refips.org/wp-content/uploads/2020/12/COVID19_SOC_UIPES_REFIPS_final.pdf
[2] https://www.usherbrooke.ca/actualites/nouvelles/sante/details/44843/