Interdiction: les fumeurs sont dans la rue
- A partir du 1er septembre, il sera interdit de fumer dans tous les lieux publics.
- Les nuisances sonores pour les riverains vont augmenter.
- Le compromis des fumoirs ne satisfait personne: trop chers, ils pourraient être bannis par une initiative fédérale plus sévère.
Le 30 novembre 2008, les Vaudois, tout comme les Fribourgeois et les Valaisans, se prononçaient très largement en faveur de l’interdiction de la fumée dans les lieux publics. En donnant la faveur, du bout des lèvres (69,42 contre 68,21% !), au contre projet du Conseil d’Etat, ils laissaient néanmoins la possibilité aux cafetiers-restaurateurs de créer des fumoirs sans service.
L’expérience de la plupart des pays européens, puis plus près celle d’autres cantons comme Genève, a montré que l’interdiction de la cigarette dans les bars a pour conséquence principale une augmentation des nuisances sonores pour les riverains. Sans oublier les mégots qui transforment certains trottoirs en cendriers géants. Quand les fumeurs sont dans la rue, les voisins toussent.
«C’est notre principal souci, reconnait Jean-Ephrem Ody, du Standard, fataliste. Mais nous n’avons pas vraiment le choix. Un fumoir coûterait beaucoup trop cher, et de toute façon nous n’aurions pas la place.»
«Nous avons la chance de ne pas avoir de voisins directs, se réjouit Thierry Thomas, du bar Le Luna. Et nous songeons à transformer nos bureaux, au sous-sol, en fumoir. Mais dès cet hiver, pour les fumeurs, ça va être dur. Personnellement, j’arrête de fumer en septembre», sourit-il en s’allumant une cigarette.
Autre problème: les clients indélicats qui pourraient être tentés de sortir fumer et d’en profiter pour s’éclipser sans payer. «Nous serons contraint d’encaisser les consommations tout de suite, reconnaît Thierry Thomas. Cela va changer quelques habitudes. Il faudra aussi être plus attentif aux vols à la tire, aux affaires laissées sans surveillance pendant que leurs propriétaires fumeront dehors.»
Fumoirs trop chers
Quand le Grand Conseil a adopté la loi cantonale contre la fumée passive, les discussions se sont focalisées sur les fumoirs. Pour leurs partisans, ceux-ci devraient justement réduire le nombre d’accros de la clope contraint de faire le pied de grue à l’extérieur. Ventilés, munis de portes automatiques, les fumeurs pourront y emmener leur boisson. Mais le personnel n’y entrera pas. Les députés ont également refusé que des automates à boissons ou des Tactilo puissent y être installés. «Il ne faut pas rendre les fumoirs attractifs», a expliqué le conseiller d’Etat Pierre-Yves Maillard.
Si peu attractifs, en fait, qu’ils n’ont même pas séduits les cafetiers. Parmi les 2200 établissements du canton, la grande majorité ne pourront pas procéder aux aménagements nécessaires: bien trop chers (entre 15 000 et 60 000 francs). Et encore faut-il que l’établissement ait la place à disposition. Une situation qui génère une différence de traitement difficilement justifiable entre petits et grands établissements.
La question des fumoirs pourrait de toute façon être réglée par Berne. Une initiative fédérale plus restrictive encore vient en effet d’être lancée par les milieux antifumée (www.sansfumee-oui.ch) et rendrait les fumoirs vaudois illégaux. De quoi dissuader tout investissement dans l’intervalle.
Déos plutôt que clopes?
Ces dernières années, la plupart des clubs ont investi dans des ventilations plus performantes et coûteuses, des installations capables de traiter 40 m³ d’air à l’heure. Des frais pour rien? Peut-être pas, selon Thierry Thomas, du Luna. «Les clubs ne seront bientôt plus sponsorisés par les cigarettiers, mais par les marques de déodorants – 300 personnes qui transpirent, sans la fumée pour masquer les odeurs corporelles…»
Le Mad bien seul
Le Darling fut le premier lieu nocturne entièrement non fumeur de Lausanne, puis le premier à disposer d’un fumoir. Mais victime du succès et du manque d’espace, l’ancien enclos à fumeurs sert désormais à entreposer les stocks de boissons. «Nous avons l’avantage d’être situé dans les Galeries St-François, nos clients pourront fumer à l’abri cet hiver. D’autres n’auront pas cette chance», relève Daniel Slicer. «L’idéal serait de pouvoir disposer quelques tables hautes, sans service, et des cendriers devant l’entrée, mais je doute que la ville nous y autorise», regrette le gérant.
Rien de prévu non plus au King Size Pub. Pour un des serveurs, «les fumoirs représentent peut-être davantage une solution pour les clubs». Le Mad, juste en face, est en effet pour l’heure le seul lieu nocturne lausannois à proposer non pas un, mais deux fumoirs, l’un sur la galerie au-dessus de la salle principale, l’autre à la «Zapoff», au dernier étage.
Du côté du rock, l’installation d’un fumoir n’est pas à l’ordre du jour, ni aux Docks – «Nous envisageons éventuellement de faire une demande pour avoir une terrasse», explique Nathalie Koch – ni au Romandie – qui interdisait déjà la fumée pendant les concerts quand il se trouvait encore sur la place de la Riponne. Le Jagger’s avait lui aussi banni la cigarette dès le 1er juillet de l’an passé, anticipant l’interdiction.
Lausanne Cités / 20.08.2009